Fédération Alsace bilingue-Verband zweisprachiges Elsass

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Retour sur l’immersion (Sprachbad)

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Acte 1 : l’immersion inscrite dans la loi dite Molac

  1. Communiqué de la fédération datée du 9 avril 2021 au sujet du vote de la loi Molac relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion.

La fédération Alsace bilingue-Verband zweisprachiges Elsass se réjouit de cette Loi qui lui permettra de mieux défendre ses priorités en Alsace et que les député(e)s d’Alsace lui aient apporté un fort soutien et ce faisant à la langue régionale d’Alsace sous sa double forme, à savoir l’allemand standard et les dialectes d’Alsace. Un grand merci au député breton, Paul Molac, qui a porté la chose à bras-le-corps depuis 2019. Les langues régionales disposent désormais (enfin) d’une loi qui doit permettre leur défense et leur promotion. Des avancées importantes ont été obtenues, parfois au-delà des espérances, la première étant la charge symbolique qu’une loi procure.

Les principaux apports de la loi Molac

La loi stipule que :

– le patrimoine linguistique français est constitué de la langue française et des langues régionales ;

–  « L’État et les collectivités territoriales concourent à l’enseignement, à la diffusion et à la promotion de ces langues. »

– « Un enseignement immersif en langue régionale, sans préjudice de l’objectif d’une bonne connaissance de la langue française » est approuvé ;

– « La participation financière à la scolarisation des enfants dans les établissements privés du premier degré sous contrat d’association dispensant un enseignement de langue régionale… fait l’objet d’un accord entre la commune de résidence et l’établissement d’enseignement situé sur le territoire d’une autre commune, à la condition que la commune de résidence ne dispose pas d’école dispensant un enseignement de langue régionale. » ;

–  « … la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves. » ;

– « Les services publics peuvent assurer sur tout ou partie de leur territoire l’affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation, sur les voies navigables, dans les infrastructures de transport ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle, à l’occasion de leur installation ou de leur renouvellement. »

Les données du scrutin :

Nombre de votants : 342

Suffrages exprimés : 323

Majorité absolue : 162

Pour : 247

Contre : 76

Participation au vote (entre parenthèses les noms des parlementaires alsaciens ayant voté pour)

La République en Marche 169 : pour 100 (Studer et Thiébaut) ; contre 57 ; abstentions. 12

Les Républicains 54 : pour 54 (Cattin ; Hemedinger; Hetzel ; Meyer ; Reiss ; Schellenberger)

Modem et apparentés. 28 : pour 17 (Fuchs et Waserman) ; contre 6 : abstentions. 5

Socialistes et apparentés. 21 : pour 21

Agir 20 : pour 20 (Becht et Herth)

UDI  et apparentés. 5 : pour 5

Liberté et territoires 17 ; pour 17 (Wonner)

France insoumise 13 : pour 1 ; contre 12

Gauche démocratique et républicaine 6 : pour 6

Non-inscrits 9 : pour 6 ; contre 1 ; abstentions. 2

  1. Les députés Thierry Michels et Jean-Luc Reitzer étaient absents. 

Acte 2 : l’immersion une modalité pédagogique 

  1. Le 25 avril 2021 la fédération diffusait un communiqué qui avait pour titre : Immersion et constitutionnalité

Lors du vote de la loi Molac le 8 avril dernier, à la surprise générale, tant le gouvernement et en particulier le ministre de l’Éducation nationale s’y était opposé en première lecture et tant ce dernier avait la tête des mauvais jours au cours des débats ce 8 avril, le principe de l’immersion en langue régionale a été adopté.

L’immersion est une modalité pédagogique qui consiste à plonger les enfants dans un bain linguistique dans une langue autre que la langue première. Elle a prouvé son efficacité quant à l’équivalence de compétence linguistique qu’elle permet d’atteindre dans les langues, première et seconde de l’enfant.

L’immersion ne remet en rien en question ni la connaissance de la langue française ni son existence sociale, culturelle, politique et administrative. Il y a donc d’autres concepts qui sont à la manœuvre de la part des adversaires de l’immersion, notamment celui de l’unicité de la langue française qui préside à une définition objective et jacobine de la nation : un peuple, une langue.

Alors que des députés LREM viennent de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel, l’immersion ne devrait pas poser de problème de constitutionnalité, à moins que le Conseil constitutionnel, comme cela a déjà été le cas en la matière, ait une approche idéologique, voire dogmatique du problème. Que le français soit la langue commune de tous les Français est chose communément admise, mais pourquoi serait-elle la seule ?

Acte 3 : l’immersion anticonstitutionnelle

  1. Par décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021 –

Le Conseil constitutionnel censurait l’enseignement immersif des langues régionales. Il précisait : « que si, pour concourir à la protection et à la promotion des langues régionales, leur enseignement peut être prévu dans les établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci, c’est à la condition de respecter les exigences précitées de l’article 2 de la Constitution », à savoir « la langue de la République est le français ». Selon les « sages » un enseignement de langue régionale qui prendrait la forme d’un enseignement immersif serait donc anticonstitutionnel.

Acte 4 : l’immersion, une stratégie possible

 

  1. Par circulaire datée du 14 décembre 2021, intitulée « Langues et cultures régionales

Cadre applicable et promotion de leur enseignement » le ministère de l’Éducation nationale prenait en particulier position sur l’enseignement immersif

Extraits : (https://www.education.gouv.fr/bo/21/Hebdo47/MENE2136384C.htm)

« L’objectif des classes bilingues et des sections bilingues, de la maternelle au lycée, est d’assurer une maîtrise équivalente du français et de la langue régionale, que ce soit par la parité horaire hebdomadaire dans l’usage des deux langues ou par l’enseignement bilingue par la méthode dite immersive.

Cet enseignement par immersion est une stratégie possible d’apprentissage de l’enseignement bilingue. S’agissant en particulier des trois cycles d’enseignement primaire considérés dans leur globalité, cet enseignement associe l’utilisation de la langue régionale et celle de la langue française pour parvenir rapidement à une certaine aisance linguistique des élèves dans les deux langues. Le temps de pratique de chacune des deux langues peut varier dans la semaine, l’année scolaire ou encore à l’échelle des cycles, en fonction des besoins effectivement constatés.

Le recours à l’enseignement bilingue par méthode immersive est nécessairement facultatif pour l’élève. Ce sont les représentants légaux qui font la demande d’inscrire leur enfant dans une structure pédagogique qui propose cette méthode. Ce choix est guidé par le projet pédagogique de l’école ou de l’établissement, qui doit dès lors être présenté en amont de l’inscription, contribuant ainsi au choix éclairé de l’élève et de sa famille. Le recours au français comme appui à l’expression et à la compréhension de l’enfant au cours des enseignements en langue régionale reste intégré à la démarche pédagogique en tant que de besoin.

La langue de communication utilisée par les personnels de l’école ou de l’établissement à destination des parents d’élèves et des partenaires institutionnels est le français. Le cas échéant et selon le contexte, la langue régionale peut également être utilisée en étant associée au français par des documents et une approche bilingues. Afin que soit garantie aux élèves concernés la pleine maîtrise du français et de la langue régionale, des évaluations sont organisées dans les conditions fixées au IV de la présente circulaire. »

Acte 6 : Pédagogie contre idéologie

Dans cette affaire comme dans d’autres, le Conseil Constitutionnel a eu une approche idéologique, dogmatique et jacobine. Ce qui est sous-jacent à cette idéologie  – le non-dit -, c’est l’obsession de construire une nation culturelle sur des données objectives : une langue, une histoire, une culture. Autrement dit, la France devrait se définir comme une ethnie.

Il est heureux que le ministère de l’Éducation nationale ait dégagé l’enseignement immersif du champ de l’idéologie et l’ait recentré sur celui de la pédagogie. L’enseignement d’une langue seconde n’a jamais entravé la maîtrise de la langue première. La langue française n’est donc en rien menacée. C’est même le contraire. Par l’effet de la comparaison, l’enfant qui apprend une langue seconde renforce sa langue première. Il est donc important de se détacher de l’idée que l’on apprend une langue de manière exclusive, selon un processus autonome. Apprendre une langue seconde, c’est aussi enrichir les connaissances que l’on possède sur sa propre langue, prendre conscience de son fonctionnement, de ses mécanismes et améliorer de façon effective les compétences du même coup dans chacune des langues.

Pour atteindre l’objectif de parité de compétence en langue première et en langue seconde, la précocité et la durée d’exposition à la langue seconde sont les clés de la réussite du bilinguisme scolaire. L’acquisition naturelle d’une langue étant optimale entre 0 et 6 ans. Pour attendre une réelle compétence dans la langue seconde, une exposition quotidienne de deux heures à celle-ci est nécessaire.

Lorsque l’enfant est scolarisé, il a derrière lui plusieurs années d’acquisition de la langue première, mais n’a généralement pas été exposé à une langue seconde et donc l’exposition évoquée n’a pas eu lieu. Le premier avantage de l’immersion, c’est déjà de compenser la non-exposition des premières années de l’enfance. Le second étant que dans le but d’engager un cursus bilingue à l’école élémentaire et donc une formalisation écrite des deux langues, les compétences de l’oralité de la langue seconde doivent impérativement être équivalentes aux compétences de la langue maternelle avant la fin de la première année de l’école élémentaire.

Acte 7 : reste à réaliser

Le rectorat de Strasbourg a annoncé l’ouverture de deux classes immersives dans le Bas-Rhin et deux dans le Haut-Rhin. Nous sommes dans l’expectative. Les écoles associatives ABCM-Zweisprachigkeit ont pris les devants.