Fédération Alsace bilingue-Verband zweisprachiges Elsass

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Entrevue au ministère de l’Éducation nationale du 5 octobre 2022

La fédération Alsace Bilingue, en la personne de son président, Pierre Klein, avait obtenu une entrevue le 5 novembre 2022 avec Monsieur Thomas Leroux, conseiller aux affaires pédagogiques et aux savoirs fondamentaux du Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.  Madame Julie Benetti, conseillère auprès du ministre, initialement prévue pour être de l’entrevue n’était pas présente.

Compte rendu de l’entrevue

J’ai été reçu par une personne très à l’écoute, posant des questions pour développer sa culture autour du sujet des langues régionales en général et d’Alsace en particulier et non pas hautaine comme l’ont souvent été des fonctionnaires du ministère.

J’ai brièvement présenté la FAB  et évoqué le groupement PQVNL (Pour que vivent nos langues)

J’ai développé le sujet de la définition de la langue régionale d’Alsace en faisant référence au texte de la LOI n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA) dans laquelle il est question de langue allemande sous sa forme standard et ses variantes dialectales. J’ai souligné le fait que dans la convention-cadre 2015-2030 signée notamment par le rectorat de Strasbourg qui indique que « par langue régionale, il faut entendre la langue allemande dans sa forme standard et dans ses variantes dialectales. »

J’ai remis à monsieur Leroux un état des lieux de l’enseignement de la langue et de la culture régionales d’Alsace, ce qui a amené une discussion sur de nombreux points parmi lesquels :

– le maintien de l’enseignement de l’allemand dès la PS et non un démarrage en MS (précocité des apprentissages en matière de bilinguisme) ;

– le maintien du un maître / une langue dans les écoles ;

– la formation continue des enseignants à la langue allemande et à la pédagogie du bilinguisme, voire nouvelle à destination d’enseignants d’autres matières que l’allemand[1]

– le problème du recrutement de professeurs d’allemand et des ressources possibles ;

– le maintien souhaité en Alsace des enseignants d’allemand en collège et lycée, donc la régionalisation des affectations ;

– nécessité de tenir un discours de positivation autour de la langue allemande, notamment au niveau des universités alsaciennes et soutiens financiers aux étudiants qui s’engagent dans la filière licence d’allemand avec à la clef un contrat d’engagement de rester dans l’académie pendant 10 ans au moins[2] ;

– l’absence de filière véritablement bilingue au collège et partant au lycée ;

l’Abibac trop littéraire qui n’est pas un vrai cursus bilingue au lycée ;

préserver le choix de l’allemand LVA ou LVB au baccalauréat…Le nouveau décret indique seule LVB possible pour l’inscription au bac. Mais nous n’avons eu aucun retour à ce propos dans les établissements ;

la place des dialectes à l’école publique, un souhait étant qu’un apprentissage soit effectué en partant de l’enseignement de l’allemand. Si jadis, on pouvait partir des dialectes pour faciliter l’apprentissage du standard. Aujourd’hui il faut faire l’inverse intégré à l’enseignement du standard ;

l’immersion et ses avantages avec indication que le rectorat de Strasbourg avait annoncé pour la rentrée de 2023 l’ouverture de deux classes en immersion dans chacun des deux départements alsaciens ;

évaluation du système du bilinguisme scolaire. Elle devrait être faite par l’inspection générale. J’ai dit que nous souhaitons une évaluation faite par un organisme neutre tenant compte qu’il existait au sein du système des courants hostiles dont l’intérêt serait de dégager plus d’effets négatifs que positifs ;

– nécessité du développement de l’enseignement de l’histoire et de la culture régionales. À ce sujet j’ai évoqué l’indigence de l’enseignement de culture régionale (CR) au collège et de langue régionale d’Alsace (LRA), qui d’une part ni CR ni LRA ne sont de véritables options en ce qu’ils ne sont pas proposés à toute la population scolaire et d’autres part sont assez confidentiels pour ne pas dire clandestin. On ne trouve aucun chiffre les concernant sur le site de l’académie ;

– lorsque le recteur Deyon avait lancé l’option LCR, il avait aussi souhaité qu’elle puisse être enseignée par des enseignants de plusieurs disciplines et avait mis une formation universitaire à leur disposition. Il avait aussi fait une promotion de l’option auprès de tous les enseignants les invitant à s’engager dans l’option ;

– la réforme du baccalauréat a entrainé une chute concomitante du choix de l’enseignement de spécialité allemand par les élèves :

J’ai ensuite présenté ABCM-Zweisprachigkeit et développé longuement sa structure et sa pédagogie dont l’école publique devrait s’inspirer si elle veut permettre à ses élèves d’arriver à une réelle équivalence de compétence dans les deux langues française et allemande et l’investissement affectif de la seconde. J’ai évidemment mis en avant l’immersion que pratique ABCM et l’expérimentation dont elle fait l’objet. J’ai parlé de l’évaluation qu’ABCM avait fait faire par un organisme extérieur de son système. Et enfin le problème de la contractualisation dont ABCM disposent déjà pour la moitié de ses enseignants, mais souhaiterait développer, notamment parce qu’avec la CeA elle s’entend pouvoir augmenter son offre de formation par l’ouverture progressive de nouvelles classes, à terme une par canton.

J’ai remis à Monsieur Leroux un document présentant un état des lieux dans le département de la Moselle accompagné d’utiles explications.

J’ai émis le souhait que la FAB puisse intégrer le Conseil supérieur des langues et notamment sa section Langues régionales.

Pour finir, j’ai aussi évoqué la « transfrontalité » du bilinguisme et de l’interculturalité dans le Rhin supérieur. J’ai remis à Monsieur Leroux les actes du colloque sur la place des langues français et allemande dans le Rhin supérieur et présenté succinctement la problématique.

A titre personnel, je suis ai remis mon livre Histoire linguistique de l’Alsace-/Elsässiche Sprachgeschichte qui évoque notamment l’engagement du recteur Deyon dont le grand mérite avait été de lancer le débat au sein du système scolaire alsacien sur le sujet du bilinguisme et de la culture régionale, débat qui fait aujourd’hui largement défaut, et de prendre clairement position sur la définition de la langue régionale d’Alsace.

Monsieur Leroux a souligné la qualité du débat et le fait qu’il appréciait que les Alsaciens étaient dans la recherche du compromis. Il a pris beaucoup de notes. Nous ne doutons pas qu’elles soient transmises en haut lieu et espérons que des réponses positives soient apportées par ce même haut lieu. PK

Copie à Monsieur Leroux et à Madame Benetti. 

[1] J’ai évoqué le fait qu’au moment où l’école publique ouvrait ses premières classes bilingues paritaires, elle avait envoyé nombre d’enseignants suivre une mise à niveau dans des Goetheinstituten.

[2] À titre d’exemple, on se souvient que dans les écoles normales d’instituteurs les élèves étaient rémunérés et leur temps d’étude comptait pour la retraire.

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