Fédération Alsace bilingue-Verband zweisprachiges Elsass

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Fédération Alsace bilingue-Verband zweisprachiges Elsass (FAB-VZE)

Une nouvelle politique linguistique et culturelle pour l’Alsace

Contribution aux Assises de la langue et de la culture régionales 19 juin 2014

9791093645056f

 

Plan

  1. Introduction

  2. Un acte fondamental pour une politique linguistique en Alsace : définir juridiquement et nommer la langue régionale ; renforcer son statut

  3. Économie – Emploi – Formation

  4. Éducation

  5. Culture et identité

  6. Langue et société

  7. Les institutions de développement de la politique linguistique régionale

  1. Introduction

Une nouvelle politique linguistique doit avoir pour ambition de donner ou de redonner une existence sociale et culturelle pleine et entière à la langue régionale, à savoir l’allemand dans ses  variétés dialectales et dans la forme standard, tant à l’oral qu’à l’écrit. La réhabilitation des dialectes passe par la réhabilitation du standard et réciproquement. Pour être efficace, une politique linguistique régionale doit présenter un caractère global et cohérent et donc conjuguer langue, culture et identité, qui se construisent et se justifient réciproquement, ainsi que tenir compte des réalités économiques et des bassins d’emploi.

Ce caractère global et cohérent doit s’exprimer à travers un schéma d’ensemble comprenant transmission familiale et scolaire, action culturelle, légitimation politique, dimension sociale et économique et intégration dans l’organisation administrative, mis en œuvre par des programmes pluriannuels précis.

Seule une Alsace forte et volontaire saura s’intégrer pleinement dans les espaces économiques, culturels et politiques auxquels elle a part et en tirer pleinement profit.

  1. Un acte fondamental pour une politique linguistique en Alsace : définir juridiquement et nommer la langue régionale ; renforcer son statut

2.1. Définition de la langue régionale d’Alsace et de Moselle

Bien davantage que dans les autres régions françaises, il existe en Alsace et Moselle une question de la détermination de la langue régionale. En effet, il subsiste des discussions qui opposent diverses conceptions de la langue régionale. Il arrive même que l’on parle « des langues régionales d’Alsace », laissant entendre que notre territoire comporterait une pluralité de langues régionales.

La détermination de ce qu’est la langue régionale de l’Alsace n’est pas une question dont la réponse appartiendrait aux seuls linguistes. La notion même de « langue régionale » n’est pas linguistique, mais historique, juridique et politique. Déterminer la langue régionale de l’Alsace est un choix politique qui se fonde sur une compétence juridique. Il faut exiger de l’Etat qu’il donne de la langue régionale d’Alsace et de Moselle la définition qui correspond à l’attente des populations concernées. Concurremment, dans leurs champs de compétence respectifs, les collectivités territoriales de notre région doivent définir la langue régionale qu’elles entendent mettre en œuvre. Une définition de la langue régionale d’Alsace et de Moselle a été donnée par l’Éducation nationale à plusieurs reprises, notamment dans le BO spécial n°2 du 19 juin 2003, repris par l’arrêté du 27 décembre 2007 : « La langue régionale existe en Alsace et en Moselle sous deux formes : les dialectes alémaniques et franciques parlés en Alsace et en Moselle, dialectes de l’allemand, d’une part, l’allemand standard d’autre part. » C’est cette définition qui doit être prise en compte par l’Etat dans son ensemble et par les collectivités territoriales et mise en application.

Désigner la langue régionale relève donc d’un acte solennel dans le cadre de la politique linguistique régionale globale qui doit être arrêtée dans le cadre des assises. À cette désignation doit correspondre la détermination d’un statut juridique et politique. Celui-ci est, à quelques exceptions, près encore inexistant et doit être précisé.

2.2. Confusions

Sur le contenu de cette définition, il existe un large consensus de toutes les instances publiques ou associatives qui agissent pour la langue régionale : celle-ci comporte à la fois la langue standard allemande et les différents dialectes alémaniques et franciques parlés dans la région. [1]

En dehors de la langue régionale définie ci-dessus, il existe d’autres langues plus ou moins pratiquées dans la région, dont l’importance et la légitimité ne sont pas contestées, mais qui n’ont pas vocation à bénéficier du même statut : des dialectes romands locaux (appelés welches) ; des langues non territoriales dont le caractère est plus historique qu’effectif (Yiddish, romani), des langues de l’immigration correspondant à des groupes culturels spécifiques. Ce sont des langues existantes dans la région, mais non pas la langue régionale.

L’histoire a conduit à plusieurs reprises à opposer les dialectes à la langue standard et à rejeter cette dernière. Ces conflits et traumatismes linguistiques doivent être surmontés pour que la langue régionale puisse avoir un avenir, mais ils sont encore présents dans l’esprit de beaucoup de personnes, ce qui conduit dans certains cas à une attitude négative à l’égard de l’allemand standard. Le rôle des élus et des institutions éducatives dans la relégitimation de l’allemand standard est à souligner.

Une partie des autorités et des « experts » nationaux (ministère de l’Éducation nationale, ministère de la Culture, rapport Cerquiglini ; rapport Caron), souvent encouragés par des prises de position locales, refusent de reconnaître l’allemand comme langue régionale avec des arrières pensées politiques évidentes. Un message clair doit leur être adressé dans le cadre du processus de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Bien qu’acceptée de façon générale par les autorités comme par les mouvements de promotion de la langue régionale, il faut souligner que les textes publiés au BO n’engagent juridiquement que les services de l’éducation nationale dans le contexte de l’enseignement. Il ne s’agit en effet que d’un document qui règle les programmes d’enseignement et n’a pas pour vocation de définir la langue régionale en dehors de ce contexte. Il faut donc impérativement que les autres ministères reprennent à leur compte cette définition officielle, afin que les collectivités territoriales et les autres services publics y soient liés également. Or, le ministère de la Culture ne reconnaît que la définition donnée par Cerquiglini.

Il est proposé que cette définition prenne place dans un document solennel clôturant les assises et approuvé formellement par délibération des collectivités territoriales d’Alsace (et de Moselle). La formulation proposée est la suivante : « l’allemand, sous la forme des dialectes alémaniques et franciques comme sous la forme standard, est la langue régionale de l’Alsace (et de la Moselle). »

  • Désignation de la langue régionale

Par ailleurs, cette définition se présente comme une description complexe peu propice à la communication. Pour affirmer cette langue d’une manière simple et forte, une désignation plus « ramassée » est nécessaire. Un effort d’invention reste à réaliser sur ce point. Si l’on prend en considération le fait que l’affaiblissement de la langue régionale a été particulièrement lié à la dévalorisation après la dernière guerre de sa dimension allemande, c’est sur cette dimension que devrait tout particulièrement porter l’effort de légitimation et de réappropriation. Il est proposé d’utiliser la dénomination d’ « allemand d’Alsace » ou qui couvre aussi bien l’allemand sous sa forme standard que les formes dialectales déjà désignées d’allemand alsacien / Elsasserditch. Cette désignation claire, simple, directe et forte permet d’ancrer cette langue dans la modernité, dans la dimension rhénane et internationale. Dans un contexte d’amitié franco-allemande, il n’y a plus de difficulté politique à reconnaître cette réalité. Une déclaration solennelle suffira à lui attribuer la légitimité nécessaire.

  • Statut de la langue régionale

Les textes de droit positif mentionnant les langues régionales sont très peu nombreux (quelques dispositions du code de l’éducation et de la loi sur l’audiovisuel essentiellement). Dans le respect du droit applicable et des prérogatives reconnues à la langue française, les collectivités territoriales et institutions locales peuvent établir un véritable statut de la langue régionale. Une telle définition est un préalable nécessaire de la politique globale régionale de promotion de cette langue. Les collectivités sont appelées à affirmer ce statut sous la forme d’une délibération formelle.

Propositions concernant le contenu d’un tel statut :

Les collectivités reconnaissent l’allemand d’Alsace comme langue de la région. Elles se donnent les objectifs suivants à réaliser dans le cadre d’un programme pluriannuel de promotion de cette langue, dans un objectif de réalisation d’une région bilingue, sans préjudice du statut de la langue nationale et du soutien pour les autres langues.

Toute forme de prohibition ou de discrimination à l’encontre de la langue régionale doit être combattue.

Tous les habitants de la région doivent avoir, s’ils le souhaitent, accès à la maitrise et à la pratique de la langue de la région.

La transmission de la langue régionale par les familles est favorisée notamment par l’aménagement des services à la petite enfance. Le système éducatif régional doit permettre aux familles qui le souhaitent d’accéder à un enseignement en langue régionale concurremment à l’enseignement en français et à la transmission de l’histoire et de la culture régionale.

L’institution universitaire doit former dans les différents domaines des spécialistes maitrisant la langue régionale et en particulier des enseignants en langue régionale.

La langue régionale doit être présente dans l’espace public régional, notamment à travers la signalisation, son utilisation dans les lieux publics et lors de manifestations publiques, ainsi que par la facilitation de l’accueil en langue régionale dans les services publics.

Les médias régionaux sont appelés à donner une place appropriée et quantifiée par les collectivités territoriales à la langue régionale.

Les activités culturelles recourant à la langue régionale sont à favoriser. La création en langue régionale bénéficie d’une attention et d’un soutien particuliers.

Les administrations publiques de la région s’organisent pour être en mesure de mener une politique active de soutien à la langue régionale. Chaque administration désigne le service responsable de la coordination de cette politique et identifie les compétences linguistiques de ses employés-es.

La maitrise professionnelle de la langue régionale doit constituer une priorité dans le programme régional de formation professionnelle. Les institutions de formation professionnelle veillent à l’acquisition de compétences de qualité  en langue régionale.

Les acteurs économiques sont encouragés à utiliser et soutenir la langue régionale.

La coopération transfrontalière est utilisée de manière active comme vecteur de la langue régionale. Les conventions transfrontalières à objet linguistique bénéficieront d’un soutien privilégié.

  1. Économie – Emploi – Formation

L’économie et le marché du travail sont des facteurs d’importance lorsqu’il s’agit de concevoir une nouvelle politique linguistique et culturelle pour l’Alsace. On ne le sait que de trop, le chômage qui a connu un développement sans précédent en Alsace ces dernières années trouve pour une grande part son origine dans la perte des compétences bilingues, ce qui a eu pour effet notamment de fermer le marché du travail transfrontalier aux nouvelles générations qui ne maitrisent plus l’allemand et ne comprennent plus la culture allemande ou suisse. Par ailleurs, des entreprises alsaciennes, notamment artisanales sont privées de nombreuses parts de marché faute d’avoir le personnel bilingue nécessaire à une insertion ou une activité professionnelle transrhénanes. Dans notre région, l’activité économique comme le bassin d’emploi doivent se concevoir à 360°. Un investissement important dans les formations professionnelles initiales et continues au profit de l’enseignement de la langue allemande doit être opéré. Ce dernier doit impérativement être accouplé à une familiarisation au monde économique du Rhin Supérieur et à sa culture. Les formations technologiques ou professionnelles secondaires ou supérieures doivent impérativement être pourvues de ces deux enseignements.

Nous demandons :

  • une révision du programme régional de formation professionnelle continue. Il s’agit de donner une véritable priorité à l’insertion linguistique et culturelle des agents économiques dans l’espace du Rhin supérieur
  • une réorganisation de l’enseignement professionnel et technologique en vue d’y intégrer des filières bilingues de qualité débouchant sur des  qualifications comparables à celle des autres régions du Rhin supérieur
  • le développement au plan universitaire de filières intégrées constituées de formations effectuées pour partie en Alsace et pour partie dans des pays germanophones à l’image de la Filière TC Trinationale IBM ou du Cursus tri national en Génie civil ; à cette fin, dans l’attente de prise d’effet du renforcement de l’enseignement bilingue dans le secondaire, notre région doit organiser des formations intensives de mise à niveau linguistique pour les étudiants se destinant à ces filières.

Nous appuyons l’accord-cadre sur l’apprentissage transfrontalier dans le Rhin supérieur signé en septembre 2013 ; nous demandons à être associés au comité de suivi de cet accord.

Une aide conséquente doit être apportée aux formations en alternance et à l’apprentissage en Allemagne ou en Suisse.

Des bourses doivent être allouées aux élèves et étudiants qui font tout ou partie de leurs formations dans ces pays. Des tarifs préférentiels de transport ou des compensations de dépenses doivent être mis en place.

Une instance de type Euro info pour assurer une large information sur ces formations doit être créée. Elle apportera aussi son soutien pour régler des problèmes juridiques qui naissent à l’occasion de ces formations.

Une valorisation de l’engagement fourni et des compétences obtenues par les élèves ou étudiants sera consacrée par un diplôme, qui s’il ne peut être national, sera régional.

Mais l’école n’est pas tout. Si l’Alsace doit retrouver une prospérité partagée, il faut que quiconque possède un pouvoir décisionnel ou médiatique prenne ses responsabilités et fasse œuvre d’information quant aux avantages à tirer pour chacun d’une situation économique et du marché du travail, mais aussi, et peut-être surtout apporte sa contribution quant à la « déconstruction » de certains clichés ou préjugés antigermaniques qui ne nuisent que de trop à une approche saine et décomplexée de cette même situation. Profiter pleinement de l’espace   économique transfrontalier rhénan est aussi une question de culture.

  1. Éducation

4.1. Généralités

La phase « bilan » des assises a montré que malgré les progrès accomplis, il reste des marges de progression considérables pour réaliser dans le modèle d’éducation bilingue correspondant à une politique forte de promotion de la langue régionale.

Il s’agit en réalité d’effectuer non pas seulement d’un renforcement quantitatif, mais d’une véritable mutation qualitative de notre système éducatif en matière linguistique : il s’agit de passer d’une démarche de renforcement de l’allemand conçu principalement et à tort comme langue étrangère à un enseignement de plein droit de notre langue régionale constituée notamment par l’allemand standard. En Alsace, la langue allemande n’est pas une langue étrangère. De ce fait, elle est une langue de France.

Comme l’exprime désormais l’article L 312-10 du code de l’éducation tel que modifié par la loi n° 2013-595 du  8 juillet 2013 (art. 40), l’enseignement de la langue régionale doit être « favorisé prioritairement ». Il y a donc lieu non pas de « rajouter des heures d’allemand », mais de modifier l’organisation du service pour que l’enseignement de la langue régionale acquière un statut « de droit commun », c’est-à-dire qu’il devienne effectivement accessible à toutes les familles qui le souhaitent de la maternelle au baccalauréat.

Cet objectif doit bénéficier d’une forte légitimation de la part de l’Éducation nationale, mais aussi des Collectivités territoriales. C’est pourquoi nous approuvons le recours au système de la convention Etat-Collectivités territoriales, car l’objectif de l’enseignement bilingue doit être prolongé sur le plan de la petite enfance, étendu aux  activités périscolaires, inclus dans la politique culturelle, etc.

Tout enfant, à l’issue de la scolarité obligatoire, devra à l’avenir disposer des ressources lui permettant d’atteindre, s’il le veut une parité de compétences linguistiques dans les deux langues : française et allemande.

Les compétences linguistiques se complètent et ne se concurrencent pas. Une troisième langue (l’anglais par exemple) est incluse dans le système des classes bilingues dès la 6e et à l’avenir dès le CM1. Une attention particulière est portée à la participation aux classes bilingues des enfants pratiquant une langue de l’immigration.

Pour atteindre les objectifs, il est nécessaire de mettre en place un plan pluriannuel avec  des engagements sur des objectifs précis quant à la couverture territoriale, quant au développement quantitatif et quant à l’extension sur l’ensemble des formations.

4.2. Principes

Les principes qui doivent guider l’organisation de l’enseignement de la langue régionale sont connus et ont été confirmés par l’expérience :

  • précocité: le bilinguisme doit débuter dès la petite enfance et la maternelle.
  • intensité: la langue régionale doit correspondre au moins à la moitié du temps scolaire
  • instrumentalisation de la langue, c’est dire l’utilisation de la langue régionale comme vecteur d’enseignement : enseigner dans la langue en plus de faire des cours de langue. Ce même principe doit s’appliquer également par la suite, dans le secondaire, aux langues additionnelles, afin de faire de cette filière une véritable filière d’apprentissage bi-/plurilingue.
  • continuité : la poursuite de l’enseignement bilingue doit être effectivement réalisée dans le secondaire jusqu’au bac dans ses différentes options.
  • maître de référence (principe de Ronjat): le principe « un maître- une langue » est à appliquer sauf nécessités particulières exceptionnelles.
  • spécialité : des maîtres spécialement formés doivent assurer l’enseignement en langue régionale ; il doit s’agir d’enseignants ayant à la fois une réelle aisance dans la langue et sensibilisés à la didactique de l’enseignement immersif. La création de CAPES bivalents pourrait favoriser cette spécialisation au secondaire.
  • adaptation: l’enseignement de la langue régionale ne peut fonctionner comme un « rajout » sans rien changer au reste de l’organisation ; les innovations pédagogiques, les aménagements horaires et la limitation du nombre d’élèves par classe font partie du système d’enseignement bilingue intégré ; une « discrimination positive » au bénéfice de l’enseignement bilingue doit compenser les contraintes spécifiques de cet enseignement et correspondre à l’objectif de « rattrapage » de la langue régionale ;
  • lien entre la langue et la culture régionales: la langue doit « prendre corps » dans la transmission de la réalité régionale : littérature,  histoire, géographie, dialecte, dimension rhénane ; l’enseignement de la langue doit s’accompagner de la transmission des savoirs permettant de comprendre la société régionale, le cadre rhénan et le monde germanique ;
  • partenariat avec les familles, les collectivités, les associations: le développement de la langue régionale a besoin d’un contexte valorisant et positif afin de motiver les enfants et d’accompagner les parents. Il faut encourager les parents pour qu’ils participent activement au processus d’acquisition de la langue seconde (chansons, comptines, livres, télévision, cinéma, sortie et voyages en pays de langue allemande…). La langue seconde doit être valorisée par le contexte environnant (affichage bilingue à l’école). L’enfant doit la rencontrer en-dehors de la salle de classe comme réalité sociale.
  • pas de hiérarchisation négative des langues: les comportements même inconscients tendant à présenter la langue régionale comme accessoire doivent être évités. La langue régionale doit ainsi être vecteur également de transmissions disciplinaires importantes, tout comme l’est la langue nationale, le français.

        4.3. Modalités

L’enseignement de la langue régionale peut se développer selon trois modalités :

4.3.1.   Enseignement dit bilingue paritaire selon les modalités de l’arrêté du 12 mai 2003

Cette modalité doit être développée sur le plan territorial de manière à être accessible à toutes les familles qui le souhaitent et étendue au niveau secondaire jusqu’au baccalauréat dans les différentes filières.

Actuellement :

Sur le plan de l’enseignement primaire :

– la couverture territoriale au niveau primaire est encore largement partielle ; le principe de l’équité territoriale doit être respecté ; une couverture systématique par secteur (de collège) doit être organisée : l’administration doit passer d’une position de réaction à la demande des parents à une stratégie proactive de l’offre organisée ; à cet égard,  il devra exister au moins quatre écoles maternelles et deux écoles élémentaires avec des classes bilingues par secteur de collège. L’ouverture de ces classes se fera en priorité là où sont réunies les meilleures conditions (écoles maternelles comportant plus de 3 classes par niveau, mais aussi contexte de forte mobilisation locale ; création de RPI bilingues là où ces conditions ne sont pas réunies dans une seule commune) ; facilitation de l’accès à des classes bilingues des enfants résidents dans d’autres communes (transport ;  non-subordination des inscriptions à une participation de la commune de résidence ) ; planification pluriannuelle des ouvertures territoriales par la Commission quadripartite et validée par le Conseil académique des langues régionales ;

– les caractéristiques pédagogiques des classes paritaires doivent être reconnues, respectées et renforcées (pédagogie semi- immersive ; voir annexe) ; les enseignants doivent disposer des compétences appropriées ;

– le choix des mathématiques comme matière enseignée en allemand doit être confirmé.  Il conviendrait d’y rajouter l’enseignement en allemand des matières « découverte du monde » (cp-ce1) et histoire géographie (Ce2-cm).

Sur le plan de l’enseignement secondaire :

– actuellement, il existe seulement des formes diverses d’enseignement d’allemand renforcé avec une composante LCR,  mais pas de véritables sections régionales des collèges et lycées comme prévus par l’arrêté susmentionné ; celles-ci doivent être instituées. L’ABIBAC constitue seulement un substitut insuffisant à de véritables sections bilingues au niveau du lycée. C’est une filière d’élite linguistique qui devra être préservée, mais il faudra créer dans les lycées un baccalauréat bilingue, aussi bien en S, qu’en ES, L et même en ST, réservé prioritairement aux élèves de la voie bilingue. L’enseignement bilingue au collège doit être en principe réservé aux élèves qui ont acquis le niveau nécessaire de langue dans les classes bilingues paritaires au primaire. Toutefois, il faut proposer aux élèves intéressés une formation intensive de rattrapage pour les mettre au niveau des sections bilingues pour qu’ils puissent rejoindre celles-ci.

– il y a lieu d’établir, en particulier pour les classes bilingues paritaires du secondaire, un véritable « curriculum » qui définit le contenu et les objectifs de ces sections, aussi bien en ce qui concerne le niveau linguistique que les contenus culturels. L’objectif est de former des élèves à la fois bilingues et biculturels.

– un effort particulier doit viser la « non-élitisation » des sections bilingues.

4.3.2. Enseignement dit extensif

Cet enseignement dispense théoriquement trois heures d’allemand par semaine, mais ne correspond pas aux objectifs de l’enseignement bilingue rappelé ci-dessus. Selon les associations les résultats obtenus sont très insuffisants.

Il convient cependant de le conserver et de l’améliorer compte tenu de son caractère théoriquement général et obligatoire et du fait que le principe d’une initiation à une langue autre que le français est désormais institué dans l’ensemble du pays. C’est une filière palliative à l’absence de filière bilingue.

Cet enseignement doit cependant être revu en profondeur et bénéficier d’un suivi effectif. Actuellement, le contenu et la durée effective de cet enseignement sont largement indéterminés et laissés à l’appréciation de l’enseignant qui n’est souvent pas suffisamment préparé et outillé pour cette tâche. Dans de nombreux cas, c’est un intervenant extérieur voire un professeur de collège qui remplit cette fonction.

Il faut concevoir cet enseignement comme une initiation à la fois linguistique et culturelle à la spécificité régionale en vue d’éveiller l’intérêt de l’enfant pour cette langue et cette culture. Des formules alternatives (concentration de l’enseignement sur certaines périodes avec intervention d’un enseignant spécialisé) peuvent être envisagées.

4.3.3. Enseignement immersif

L’expérience interrégionale et internationale montre que cette modalité est la plus efficace (voir annexe).

Elle consiste à utiliser la langue « cible », c’est-à-dire la langue à acquérir ou à renforcer durant la plus grande partie du temps scolaire.

Cette modalité doit désormais être développée activement en Alsace dans le cadre de l’Éducation nationale, mais aussi dans le cadre d’ABCM-Zweisprachigkeit et dans l’enseignement privé, en particulier si l’Éducation nationale tarde à s’engager.

Elle pourra aussi être intensifiée selon plusieurs axes : aller au-delà de la parité horaire, introduire des enseignements dans les langues additionnelles dès le collège…

 4.3.4. Pour un ancrage régional de l’enseignement de l’histoire

L’enseignement de l’histoire doit s’ouvrir à la dimension culturelle, régionale/transfrontalière.  Il s’agit notamment de prendre en compte la diversité des vécus de l’histoire qui permettent à toutes les mémoires occultées de s’inscrire dans une perspective régionale et transfrontière. Certes, l’académie de Strasbourg ne peut pas modifier les programmes nationaux, mais elle a la possibilité de les ajuster aux spécificités régionales, comme elle l’a fait par exemple dans des manuels récents d’histoire. Cet « aménagement des programmes », qui n’a jamais fait l’objet d’un travail d’ensemble, doit à présent être mené à terme, puis appliqué notamment dans les classes pratiquant un enseignement bilingue.

4.3.5. Langue et culture régionales (LCR)            

L’option LCR (enseignement de l’histoire et de la culture régionales), organisée dans les collèges et les lycées ne touche qu’un nombre limité d’élèves (environ 5000 élèves la suivent, 1200 la présente au bac). Pourtant l’élargissement d’un tel enseignement à tous les élèves fréquentant l’école d’Alsace permettra de contribuer fortement à la (re)-construction d’une identité alsacienne ouverte et plurielle. Demain, cependant, cette option sera inaccessible aux élèves des filières scientifiques, techniques et professionnelles. Ce sont pourtant ces élèves qui, dans notre région, ont le plus besoin de la langue régionale, car ils seront amenés à travailler pour beaucoup d’entre eux dans les entreprises allemandes. Il faut enrayer cette décision.

Cet enseignement doit être réalisé pour et à tous les niveaux de la scolarité. Il existe à cet égard un véritable trésor au CRDP constitué par l’opération « Vivre en Alsace » (années 70 et 80), il devra être remis à jour et diffusé. Beaucoup d’autres documents y sont d’ores et déjà à disposition (trop souvent inutilisés, car souvent non didactisés ou non connus).

Une formation initiale et/ou continue devra préparer

4.4. Outils

4.4.1. Information des familles

Celle-ci doit être organisée de manière active et dans un esprit positif conjointement par l’Éducation nationale, les municipalités et les associations.  Une information générale doit être organisée en particulier à la naissance, dans les maternités et les crèches (concernant la petite enfance), à l’inscription en école maternelle, au passage à l’école élémentaire, à l’inscription en 6e et à l’inscription en seconde.

Une instance d’assistance des parents d’enfants inscrits dans un cursus bilingue et de consultation des parents quant à leurs difficultés éventuelles doit être organisée.

4.4.2.  « Périscolaire »

L’enseignement bilingue doit être accompagné d’actions donnant une réalité sociale et culturelle à la langue régionale et des occasions de la pratiquer. Localement, les équipes pédagogiques, les municipalités et les associations doivent collaborer à cet effet. On peut citer à cet égard :

L’aménagement des bibliothèques et médiathèques pour donner une place significative à la langue régionale ;

L’utilisation des jumelages communaux et des échanges transfrontaliers entre communes pour organiser des rencontres avec des enfants germanophones

L’intégration des enfants des classes bilingues dans les associations de théâtre alsacien ;

L’affichage bilingue dans les écoles, les lieux périscolaires et la commune ;

L’intervention de personnes germanophones[2] dans des séquences LCR à l’école

L’organisation locale de vacances linguistiques dans un pays germanophone, ou d’activités en langue au sein de la commune, etc.

4.4.3  Suivi pédagogique et évaluation 

Il convient de renforcer le suivi systématique des filières bilingues afin de :

  • mieux connaître leur réalité de fonctionnement, leurs difficultés et leurs réalisations ;
  • mieux assister les enseignants par un soutien pédagogique et l’information sur les outils disponibles
  • mieux connaître les interrogations des parents et pouvoir y répondre
  • évaluer et analyser les résultats, en particulier à l’issue du CM2, de la 3e et de la terminale.

Ce processus d’évaluation doit être conduit par des spécialistes jouissant d’une indépendance vis-à-vis de l’appareil éducatif et offrir une transparence suffisante.

4.4.4.  Une meilleure collaboration entre l’EN, ABCM-Zweisprachigkeit et les écoles privées confessionnelles en matière d’offre bilingue

À l’instar d’autres régions (Pays Basque), il faut potentialiser la cohabitation de ces trois secteurs.

ABCM-Zweisprachigkeit

L’association ABCM-Zweisprachigkeit, en ouvrant des classes dès 1991, a été le précurseur de l’enseignement bilingue en Alsace-Moselle. L’association reste un lieu de mise en œuvre rigoureuse de la pédagogie bilingue (précocité, durée d’exposition à la langue seconde, recours à des « locuteurs natifs », pédagogie active évitant le recours à la traduction)

Elle est un lieu de recherche et d’innovation et met en place les ajustements qui permettent d’assurer une réelle parité de compétences dans les deux langues. L’acquisition d’une langue se fait naturellement de 0 à 6 ans à condition que l’exposition journalière soit de 2 heures minimum tout au long de l’année, selon le psycholinguiste Jean Petit. L’entrée des enfants à l’école maternelle à l’âge de 3 ans représente donc déjà un handicap à compenser. Pour atteindre l’objectif de parité de compétences, les écoles ABCM-Zweisprachigkeit sont passées d’un enseignement à parité horaire à une immersion compensatoire. Ce n’est que par une exposition suffisante à la langue régionale que son acquisition sera accessible à tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale.

ABCM-Zweisprachigkeit veille aussi à associer étroitement les parents à son projet pédagogique. Enfin, elle est très attentive au lien nécessaire entre langue régionale et culture régionale.

Par ailleurs ABCM-Zweisprachigkeit est le recours, avec l’appui des collectivités locales, quand l’Éducation nationale ne peut pas ou ne veut pas ouvrir un site bilingue demandé par un groupe significatif de parents.

L’enseignement confessionnel sous contrat

L’enseignement confessionnel sous contrat s’est également ouvert à l’enseignement bilingue paritaire et a développé dans ce domaine des expériences qui mériteraient d’être partagées (Lycée Sturm : formation au Sprachdiplom Stufe 2 ; au collège de l’Assomption à Colmar, la continuité du cursus bilingue est assurée avec 15.5 h d’enseignement en allemand, etc.).

Il est proposé d’intégrer l’ensemble des filières bilingues publiques, associatives et privées sous contrat dans un pôle d’échange et de coordination de manière à créer une synergie de moyens pour atteindre un même objectif : proposer à tous les élèves d’Alsace l’entrée en PS bilingue.

4.4.5.  Amélioration de l’offre en écoles binationales et transfrontalières

Actuellement, il n’existe qu’un seul établissement binational dans le Rhin supérieur, le Lycée franco-allemand de Fribourg en B. Ce type d’établissement pourrait être développé dans la région.

Par ailleurs, il serait possible de développer la formule des écoles transfrontalière selon le projet proposé en 1990 dans l’agglomération de Strasbourg-Kehl : mise en commun d’enseignants et d’élèves des deux cotés du Rhin dans le cadre d’une agglomération de proximité pour développer un cursus bilingue et binational.

4.4.6.  Convention « quadripartite

La convention conclue entre l’État et les collectivités territoriales sur la base de l’article L 312-10 de code de l’Éducation constitue actuellement le meilleur cadre de coopération pour faire avancer l’enseignement de la langue régionale. Il convient cependant de tirer les conséquences de l’expérience pour améliorer cet outil.

– Si formellement la convention est conclue entre l’État et les collectivités locales, il est essentiel que les associations engagées dans la promotion de la langue régionale participent à l’élaboration et au suivi de cette convention ; elles doivent être présentes dans les organes de mise en œuvre de la convention. Par conséquent, la FAB-VZE demande à intégrer cette commission qui deviendra par là-même quintipartite.

– La convention ayant une base législative, elle doit être reconnue par les parties contractantes comme une source d’obligations pour toutes les parties.

– La convention doit comporter des objectifs chiffrés et un programme pluriannuel d’ouverture tendant à une couverture progressive de l’ensemble du territoire régional par un réseau de sites bilingues ; les ouvertures de filières bilingues doivent correspondre à un processus concerté et public selon des critères convenus. En particulier, le seuil d’ouverture des sites bilingues devra être fixé à 15 élèves sur un niveau (PS, MS, GS).

– la convention devra comporter une médiation, dans le cas où il existe une contestation sur l’ouverture ou le maintien de classes ou de sections bilingues.

– la convention doit comporter des dispositions relatives au processus d’information des parents et des élèves, en liaison avec les collectivités locales et les communes.

La commission quintipartite et les comités techniques devront constituer le lieu de concertation ente l’Éducation nationale, les collectivités territoriales et les associations représentatives des intérêts de la langue régionale. Avec pour mission d’assurer le pilotage de la politique issue de la Convention. Elle présentera, selon des modalités à définir, ses décisions au Conseil académique de la langue régionale (CALR) qui fait double emploi avec cette structure dès lors qu’elle comprend aussi les associations et qu’elle est effectivement en charge de la politique de promotion de l’enseignement de la langue régionale. Une réelle transparence des décisions sera organisée. Un rééquilibrage des parties représentées devra être effectué. C’est dans ce cadre que devront se discuter les ouvertures de nouvelles classes afin d’assurer la mise en place d’un réseau de sites bilingues, avec le soutien de la société civile et des collectivités.

4.4.7.  MAERI

Elle est le service du rectorat en charge de la gestion des financements alloués à l’académie par le Fonds de concours régional. Elle initie, gère et propose un certain nombre de projets intégrant la dimension linguistique: projets à dominante artistique ou culturelle, spectacles et visites culturelles en pays germanophones, voyages et séjours d’immersion, échanges scolaires, rencontres de professionnels germanophones, etc.

De ce fait, elle est l’interface entre les organes financeurs et les établissements scolaires. La MAERI joue un rôle important et utile. Tout en renforçant ses moyens d’action, il convient de mettre en place des modalités permettant une cogestion avec les Collectivités territoriales et les associations de promotion de la LCR.

4.5. Formation et recrutement des enseignants

4.5.1. Formation initiale 

Le manque d’enseignants qualifiés est le principal goulot d’étranglement pour le développement de l’enseignement bilingue. L’organisation universitaire actuelle forme des germanistes, mais non des enseignants germanophones.

Il est nécessaire

  • de créer de nouvelles filières préparatoires au recrutement d’enseignants germanophones pour le premier degré et des enseignants de D.E.L. (« disciplines enseignées en langue ») pour le 2e degré[3]. Ces formations doivent débuter dès la première année des études universitaires et se dérouler principalement dans la langue cible, c’est à dire en allemand. Les enseignants qui débutent leur cursus universitaire avec un bagage linguistique insuffisant pour enseigner en DEL doivent pouvoir améliorer leur niveau de compétences linguistiques. Pour développer ces formations nouvelles, il y a lieu :
  • de développer les partenariats entre l’ESPE et les Pädagogischen Hochschulen de Freiburg et de Karlsruhe,
  • de recourir à la formule des cursus intégrés (tels qu’ils existent déjà dans plusieurs universités autres que celles de Strasbourg).
  • d’encourager toutes les formules en immersion dans les universités germanophones

La formation dispensée actuellement par l’ESPE, qui n’intervient qu’au stade de la maitrise n’est pas de nature à donner aux futurs enseignants des compétences linguistiques élevées s’ils n’en disposent pas déjà.  La formation de type DU proposée concerne des enseignants déjà formés qui ont les aptitudes linguistiques recherchées et qui souhaitent approfondir leurs compétences didactiques. Mais les ESPE doivent s’outiller pour donner les compétences linguistiques nécessaires à l’enseignement en allemand à des étudiants qui n’ont pas ces compétences.

La garantie d’un emploi d’enseignant germanophone à l’issue d’une telle formation permettra de drainer le nombre d’étudiants nécessaire si une formation appropriée est proposée à ceux-ci.

Pour garantir la mise ne place de ces formations, un groupe de pilotage dirigé par le recteur, le président de la région et le président de l’université doit être constitué.

4.5.2. Formation continue 

Il faut renforcer significativement :

  • les possibilités de formation continue et notamment d’approfondissement des connaissances d’allemand offertes aux enseignants ayant en charge les classes bilingues :
  • l’offre aux professeurs de DEL de stage dans leur discipline dans un pays germanophone.
  • l’échange de proximité dans le premier degré et le second degré (à l’année, à temps partiel).
  • le développement des bourses pour les formations en immersion linguistiques (Institut Goethe…).
  • l’offre de stages en entreprises pour les enseignants en section de technicien supérieur.
  • la reconnaissance de la plus-value linguistique des enseignants des filières bilingues.
4.5.3. Recrutement

Les modalités de recrutement doivent être de nature à drainer suffisamment de candidats qualifiés et à leur offrir des conditions attirantes d’emploi. Tel n’est pas le cas actuellement.

S’agissant des enseignants étrangers diplômés originaires de régions germanophones : il y a lieu d’appliquer le droit communautaire qui exige la reconnaissance de leurs diplômes et l’attribution de conditions d’emploi non discriminatoires. Ceci n’est pas fait actuellement alors que c’est juridiquement possible et même obligatoire. Une fois recrutés, ces enseignants doivent être formés aux exigences de la profession d’enseignants bilingues en France.

Le CRPE spécial langue régionale doit être réorganisé : possibilité du choix de la langue des épreuves.

Pour le second degré (DEL), il faut créer des concours bivalents, langue et DEL. Il faut faciliter l’affectation des professeurs avec une valence DEL dans l’académie, flécher des postes dans les collèges et lycées pour des enseignants capables d’enseigner les DEL, et ce le plus tôt possible, par exemple dès l’ouverture du site en PS de maternelle, et ouvrir plus de postes à l’examen professionnalisé (1er degré), valider les acquis (au bout de 6 ans),  ouvrir au CAPES réservé.

Une compensation financière spécifique devrait être allouée aux professeurs qui appliquent le principe un maître une langue à plein temps.

4.6. Rôle des collectivités locales

Il est de première importance que les Collectivités territoriales accompagnent et soutiennent l’Éducation nationale dans l’organisation et la mise en œuvre de l’enseignement de la langue et de la culture régionales. À cette fin, les collectivités territoriales doivent être invitées :

à prendre en charge ou à favoriser l’ouverture et le fonctionnement de crèches ou de haltes-garderies en langue régionale ou bilingues ;

à encourager les parents et élèves à choisir une éducation bilingue et à fournir à cet effet l’information appropriée. Cette information sera organisée en particulier au moment de la naissance des enfants ou au moment de l’inscription des enfants en classe de maternelle ;

à demander à l’Éducation nationale l’extension du réseau de classes bilingues paritaires ;

à favoriser et à soutenir financièrement les regroupements pédagogiques destinés à faciliter l’ouverture et le développement de classes publiques bilingues paritaires ;

à apporter un soutien à l’association ABCM-Zweisprachigkeit pour le développement de classes immersives en langue régionale ;

à veiller à ce que le personnel administratif mis à disposition des écoles maternelles (assistantes maternelles ou scolaires, surveillantes de cantines, etc.) ait la capacité de s’adresser aux enfants en langue régionale ;

à s’engager à ce que la langue régionale soit présente dans les bâtiments scolaires relevant de leur gestion (affichages bilingues, nom bilingue de l’école, utilisation de la langue régionale dans les aménagements scolaires, menus de cantine) ;

à contribuer à fournir aux écoles du matériel pédagogique en langue régionale (livres scolaires ou autres) ;

à veiller dans le cadre des activités périscolaires à offrir des animations ayant comme objectif une meilleure connaissance de l’histoire et de la culture régionales reliées à la langue allemande et aux dialectes ;

à s’engager à contribuer à l’animation des cours de « langue et culture régionales » donnés dans les établissements scolaires ;

à s’engager à organiser en liaison avec les services scolaires des échanges transfrontaliers avec des communes et écoles allemandes ou suisses. Dans ce cadre seront promus les échanges linguistiques pour les enfants ;

à veiller à s’associer avec les organisations professionnelles actives sur son territoire (corporations, entreprises, etc.) pour favoriser en liaison avec les services éducatifs, la prise en compte de la langue régionale dans l’enseignement professionnel.

  1. Culture et identité :

        5.1. Pour une politique culturelle régionale

La culture régionale, ce sont des pratiques culturelles qui renforcent la personnalité et l’identité régionale. Le projet culturel régional vise à inclure l’ensemble de la population dans la valorisation des caractéristiques de la région (histoire + géographie), dans l’objectif de créer une nouvelle « tradition régionale » à partir de la transmission, la réception et la création, dans une perspective de renforcement de la cohésion sociale régionale.

La culture régionale est ce qui nous permet de devenir davantage maîtres de notre avenir en connaissant le passé du territoire où nous vivons. Parler de culture régionale, de personnalité régionale, d’identité régionale, c’est avant tout construire un projet partagé entre les habitants de la région pour l’avenir. « Anciens » et « nouveaux » alsaciens doivent pouvoir se réapproprier ce territoire en donnant un sens réactualisé à ce qui a fait sa richesse. Cette approche, qui ne nie pas pour autant les traditions locales propres à ce territoire, permet d’offrir un projet global et ambitieux à l’ensemble des habitants de la région, quelle que soit leur origine, ouvert à 360° et incluant les aspects économiques, spirituels et sociaux. Cet horizon vaste de la culture régionale permet de donner une nouvelle dimension à la langue régionale, au concept de Rhin supérieur, à la pluralité culturelle, de retrouver la vocation internationale de l’Alsace et de revisiter notre héritage culturel et nos traditions pour les mobiliser en vue de l’avenir.

Une base fondamentale de l’identité culturelle de la région réside dans ses caractéristiques linguistiques. Ce qui caractérise l’Alsace ce n’est pas tant ses langues particulières (les dialectes) que le bilinguisme, l’accès à deux langues et deux cultures qui donnent un aspect particulier à notre perception du monde.

Notre identité culturelle ne doit pas se définir au regard d’un folklore d’origine rurale refermé sur lui-même et orienté vers le passé, même si les traditions populaires sont attachantes et méritent de ne pas tomber dans l’oubli. À cette identité folklorique, il faut opposer une identité alsacienne franco-allemande et européenne : l’identité de l’Alsace, c’est la rencontre des deux grandes cultures francophone et germanophone

En Alsace, la transmission culturelle passe beaucoup par l’engagement militant, bénévole et populaire. Le travail des professionnels doit se combiner avec cette dimension. La réorientation des ressources permettra de dégager une recherche et une production culturelle davantage axées vers les besoins de la politique culturelle.

L’action pour la culture régionale doit s’appuyer sur le mouvement de décentralisation de l’action culturelle qui peut trouver de nouvelles opportunités dans les réformes annoncées.

5.2. Dix Actions proposées

Il convient de mobiliser davantage les budgets culturels des grandes collectivités alsaciennes pour la culture régionale. Ces budgets sont imposants et pourtant seule une partie infime concerne des projets ayant une dimension « culture régionale ».

Pour changer cette situation ; les collectivités doivent :

  • faire savoir qu’une priorité (dans la limite d’un certain pourcentage) sera donnée au financement de projets « culture régionale ». À terme, mise en place d’un quota « culture régionale ».
  • créer dans toutes les commissions « ‟Culture” une sous-commission spécialement chargée de veiller à la mise en valeur de la culture et de l’identité régionales. Ces commissions intégreront une représentation des personnalités, associations ou organisations de promotion de la langue et de la culture régionales.
  • donner aux institutions culturelles qui dépendent d’elles des directives concernant la prise en compte de la culture régionale : agence culturelle Alsace, scènes et relais culturels, etc. Chaque institution devra soumettre aux collectivités de tutelle un projet de promotion de la culture régionale. Les cahiers des charges des établissements culturels comporteront une obligation de mettre en valeur la culture régionale.
  • veiller à une bonne information et formation en ce qui concerne la langue et la culture régionales du personnel des collectivités chargé des affaires culturelles.
  • s’assurer que les équipements culturels (bibliothèques, médiathèques, salles de projection vidéo ou cinémas) qui dépendent de ses subventions publiques offrent une présentation privilégiée d’œuvres en langue régionale.

Il convient pour elles de créer :

  • un Conseil culturel d’Alsace à l’image du Conseil culturel de Bretagne. Composé de personnalités qualifiées et représentatives de la démarche de renforcement de l’identité culturelle de la région, cet organe serait constitué comme instance consultative auprès de l’établissement public de promotion de la langue régionale.
  • un réseau de centres culturels spécifiquement dédiés à la culture régionale ou « lieux d’Alsace » en s’inspirant de l’exemple du centre culturel alsacien (lieu de rencontre, de débats et d’activités culturelles spécialement dédié à la langue et à la culture régionales). Voir ci-après 6.2.

Il convient pour elles :

  • d’organiser le lien entre activités éducatives relatives à la langue et à la culture régionales et les activités culturelles. Les collectivités favoriseront l’intervention d’acteurs culturels représentatifs de la culture régionale dans les établissements scolaires, les « jumelages » entre établissements scolaires bilingues et associations culturelles (par exemple théâtres alsaciens).
  • de créer un lieu de formation à l’expression en langue régionale pour les professionnels de la parole (acteurs, journaliste, doubleurs, etc.).
  • de prendre des mesures pour renforcer et soutenir la presse bilingue :
  • de valoriser le supplément allemand des DNA/L’Alsace pour le transformer en véritable supplément allemand de ces publications ;
  • de favoriser la création d’une revue régionale bilingue axée sur la culture régionale.

En matière de radio, télévisions et vidéos, il convient pour elles de :

  • soutenir la création d’une radio FM consacrée à la culture régionale
  • développer la coopération avec les chaines allemandes et suisses voisines
  • intervenir auprès des fournisseurs d’accès (type Orange pour que les bouquets proposés en Alsace comportent des chaines germanophones gratuites). Voir aussi ci-dessous 6.3.

Il s’agit aussi d’assurer la récupération, préservation et mise en valeur des œuvres culturelles (audiovisuelles)  en langue régionale.

En matière de production théâtrale de culture régionale, les collectivités veilleront à favoriser par des appels à projets la production d’œuvres en langue régionale. Elles s’engagent à apporter un concours particulier au théâtre dialectal (par exemple au sous-titrage de pièces existantes ou à la création et au montage de nouvelles pièces, actuelles et originales) et au développement d’équipements de surtitrage.

En général, elles participeront au renforcement de la coopération transfrontalière dans le domaine culturel.

  • Observations complémentaires 

Par ailleurs, les Collectivités territoriales sont notamment invitées à :

  • développer dans les équipements qui les concernent la disposition de techniques de sur ou sous-titrage afin de favoriser le recours à la langue régionale ;
  • ce que les équipements de bibliothèques, médiathèques, salles de projection vidéo ou cinémas qui dépendent d’elles assurent la présentation d’œuvres en langue régionale, selon un quota qu’elles définiront ;
  • favoriser le développement d’échanges culturels avec des collectivités germanophones de pays voisins ;
  • favoriser par des appels à projets la production d’œuvres en langue régionale ;
  • apporter un concours particulier au théâtre dialectal et au développement d’équipements de surtitrage ;
  • créer ou soutenir la création de lieux de rencontre, de débats et d’activités culturelles spécialement dédiés à la langue régionale ;
  • favoriser la collecte et la diffusion des œuvres en langue régionale ;
  • ce que les organismes dépendants d’elles et chargés de conduire l’action culturelle intègrent une représentation des personnalités, associations ou organisations de promotion de la langue régionale ;
  • veiller à une bonne information et formation, en ce qui concerne la langue et la culture régionales, du personnel chargé des affaires culturelles.
  1. Langue et société

Il ne saurait y avoir une politique linguistique efficace sans qu’une existence sociale et culturelle pleine et entière soit accordée à la langue régionale.

Pour ce faire, aussi bien le standard allemand que les dialectes doivent trouver ou retrouver leur place dans la société.

Les identités collectives résultent d’un travail collectif réalisé dans le but d’obtenir des individus qu’ils s’y identifient, travail dans lequel l’école et aujourd’hui les médias jouent un rôle des plus importants. C’est à cette condition que les identités collectives existent.

Les collectivités territoriales doivent prendre leurs responsabilités et apporter leur pierre à la construction d’une identité collective alsacienne, positive, enracinée et ouverte sur le monde, en premier lieu en contribuant à faire naître et développer sentiment d’appartenance, mémoire et solidarité partagées. Il s’agit de permettre à l’individu alsacien de pouvoir s’identifier à la culture et à l’histoire d’Alsace, à toutes les cultures et à toutes les histoires passées et présentes d’Alsace, c’est-à-dire à une identité collective, une et diverse, riche de toutes ces composantes. Il est attendu que les Collectivités territoriales d’Alsace tiennent à cet égard un discours positif et dans les langues propres à l’identité alsacienne.

6.1. Les collectivités territoriales et l’affirmation dans la société de la culture régionale 

Les collectivités sont notamment invitées à :

  • assurer l’accueil en langue régionale des personnes qui le souhaitent dans les équipements sociaux et sanitaires relevant de leur responsabilité ;
  • participer aux actions de sensibilisation des commerçants de leur territoire pour veiller à un accueil en langue régionale des personnes qui le souhaitent ;
  • favoriser un affichage commercial bilingue sur leur territoire ;
  • favoriser le développement de la langue régionale dans les activités liées au tourisme ;
  • combattre toutes formes de discrimination à l’encontre de l’utilisation de la langue régionale ;
  • apporter leur soutien aux associations et organisations engagées dans la promotion de la langue et la culture régionales ;
  • veiller lorsqu’il existe un distributeur de télévision par câble à ce que le cahier des charges comporte une clause de mise à disposition d‘un canal pour une télévision locale bilingue ;
  • s’engager à réaliser et à diffuser un livret sur la langue régionale et le bilinguisme afin de faire connaitre leurs composantes, leur richesse, l’intérêt du bilinguisme et les possibilités d’apprentissage de cette langue ;
  • s’organiser de sorte que leurs services acceptent les actes juridiques et les documents qui leur sont soumis dans la langue régionale ;
  • s’organiser de sorte à rendre possible la présentation auprès de leurs services des demandes orales ou écrites en dialecte ou en allemand standard ;
  • s’engager à ce que dans leurs principaux services un accueil en dialecte soit réservé aux personnes qui le souhaitent ;
  • publier sous une forme bilingue une partie non inférieure à 10 % des documents (arrêtés, notifications, avis, informations, documents, etc.) qu’elles diffusent ;
  • s’engager à assurer la publication de son journal d’information en version bilingue (français/allemand standard) et présenter les éditoriaux de leurs magazines sous une forme bilingue ;
  • s’engager à assurer le bilinguisme de leurs sites Internet ;
  • s’engager à organiser la formation de leur personnel afin d’améliorer ses compétences en langue régionale;
  • s’engager à organiser des séjours de formation linguistique pour leur personnel ;
  • s’engager à rendre possible l’expression en langue régionale pour les membres des assemblées locales qui le souhaitent ;
  • s’engager à encourager la propagande électorale bilingue sur son territoire.

6.2. «  Lieux d’Alsace »

Les Collectivités territoriales d’Alsace s’attelleront à la réalisation de « lieux d’Alsace », un réseau de centres de rencontre, de débats et d’émergence d’une identité et d’une conscience collective alsacienne, instruments de connaissance de l’histoire et de la richesse culturelle de la région, mais aussi laboratoires de projets pour les jeunes, ouverts à toute la population.

Ce projet, aussi formulé sous d’autres désignations (institut culturel alsacien, maisons de la langue et de la culture régionales) rejoint des initiatives lancées dans de nombreuses autres régions sous la forme d’une ou plusieurs structures spécialisées, financées par les collectivités publiques spécifiquement consacrées à la culture régionale, non pas sur le plan de la réalisation de spectacles, mais sur celui de la recherche, de l’analyse, de la transmission, de la formation et du débat. Une telle initiative est également nécessaire en Alsace.

Le champ d’action de cette structure pourrait couvrir les domaines suivants: art et architecture, histoire, religion, anthropologie, patrimoine, géographie, territoires et environnement, Rhin supérieur et relations transfrontières, musique et danse, littérature, expressions orales, économie et droit.

Les actions développées par l’Institut prendraient les formes suivantes :

  • organisation d’événements : colloques, conférences, débats, rencontres, formations, expositions,

manifestations diverses ;

  • éditions et publications ;
  • diffusion de l’histoire de l’Alsace (publications, bases de données, etc.) ;
  • Centre de ressources documentaires (en relation avec le CRDP et les éditeurs d’alsatiques) ;
  • coopération et soutien aux actions de promotion de la culture et de l’identité alsaciennes ;
  • intervention en milieu scolaire ;
  • délivrance de labels ;
  • coopération avec les théâtres et radios en langue régionale.

 6.3.  Médias

La place de la langue régionale dans les médias est de plus en plus réduite. Cette indigence affecte la capacité de transmission de la langue.

Dans l’attente d’une régionalisation très hypothétique de l’audiovisuel public, il faut  :

  • agir de manière énergique pour sauvegarder l’accès aux chaines publiques germanophones de plus en plus menacé et limité par le passage au numérique ; ceci implique une intervention de nos parlementaires pour obtenir l’ouverture de négociations avec les pays voisins ;
  • développer la place de la langue régionale dans les journaux publiés par les collectivités publiques (bulletins municipaux, bulletins des départements et de la région) ; il faut éviter que le dialecte y apparaisse seulement sous une forme folklorique et humoristique ; la langue standard doit y avoir accès ;
  • développer une radio FM régionale sous statut privé avec fonds publics entièrement en langue régionale avec une offre culturelle variée en dialecte et en allemand standard ;
  • rendre accessible à tout intéressé les suppléments allemands des quotidiens DNA et Alsace ;
  • soutenir la diffusion d’une revue culturelle bilingue régionale consacrée principalement à la langue, l’histoire et à la culture régionale ;
  • soutenir la création et la diffusion d’une ou plusieurs revue(s) bilingue(s) pour les jeunes, intégrant des thèmes modernes et intéressant cette classe d’âge ;
  • favoriser la création d’une société de doublage de films et DVD en dialecte alsacien.
  1. Les institutions de développement de la politique linguistique régionale

Pour mettre en œuvre une politique linguistique régionale, les collectivités territoriales, mais aussi l’Etat, doivent se doter d’outils institutionnels et administratifs.

Trois catégories d’outils sont à envisager :

– des services administratifs relevant directement des collectivités territoriales et de l’État.

– des structures extérieures spécialisées créées par les collectivités publiques.

– les organisations associatives comme relais et partenaires des collectivités territoriales.

Il convient d’assurer, entre ces différentes structures, coordination et complémentarité sans concentration ni dispersion. La pluralité des structures doit favoriser l’efficacité, le dynamisme par l’émulation et le pluralisme des approches : veiller à une bonne répartition des rôles en fonction des spécialités de chaque intervenant.

7.1. Les services administratifs des collectivités publiques

Dès lors que la politique linguistique est considérée comme une composante significative de l’action des collectivités publiques de la région, celles-ci doivent se doter des services appropriés pour assumer une telle mission et organiser leur coordination.

7.1.1.Un service dans chaque collectivité

Chaque autorité publique doit constituer un service chargé de la mise en œuvre de la politique linguistique régionale dans le cadre des compétences de ladite autorité. Le rôle de ce service sera de proposer des mesures, puis de veiller à leur mise en œuvre de sorte que cette politique linguistique s’intègre efficacement dans l’ensemble des actions de la collectivité. L’importance de ce service devra évidemment varier selon la taille et les responsabilités de l’autorité concernée :

au niveau de chaque commune (ou selon le cas groupement de communes), un adjoint devra être spécifiquement désigné comme chargé de la promotion de la langue et de la culture régionales ; cet adjoint devra disposer d’un appui administratif et être chargé de veiller à l’inscription de l’action pour la langue régionale dans le budget et dans l’activité de la commune ; les grandes agglomérations doivent donner l’exemple par l’adoption d’une charte mise en œuvre par un service spécifiquement chargé de la politique linguistique municipale ; une commission municipale spécialement consacrée à la promotion de la langue régionale devra être chargée d’une fonction consultative et de concertation avec les associations :

l’administration territoriale de l’État doit être impliquée de manière forte dans la politique linguistique régionale :

– le préfet de Région devra veiller à ce que l’administration déconcentrée de l’État apporte sa contribution à la revalorisation de la langue régionale ; une cellule du SGARE pourra être chargée de susciter et de suivre les actions engagées par les différents services en matière de promotion de la langue régionale ;

– la DRAC doit élargir plus nettement son action à la langue et la culture régionales ;

– pour les services de l’éducation nationale, le recteur pourra désigner un adjoint chargé spécifiquement de suivre l’enseignement de la langue régionale, ce sera un IA-IPR de la langue régionale ; de même, les DASEN seront secondés par un IEN chargé de la langue régionale.

sur le plan des départements, une cellule « langue régionale » dirigée par un agent de responsabilité devra être chargée de coordonner l’action pour la langue régionale dans ses différentes composantes ; un vice-président du Conseil général et une commission spécifique « promotion de la langue et de la culture régionales » seront chargés de fixer les orientations de cette cellule.

–  Le Conseil régional s’est vu reconnaître officiellement la mission d’assurer la promotion des langues régionales par la loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 (art. 1). L’administration régionale doit donc être retenue comme lieu de coordination et d’animation en ce domaine, comme le suggèrent d’ailleurs plusieurs propositions de loi relatives à ce sujet. Pour traduire ces orientations dans la pratique, il faudra prévoir la création, au sein de l’administration régionale, d’une Direction de la politique linguistique. Une commission distincte de la commission générale pour l’action culturelle sera chargée spécifiquement de suivre la promotion de la langue régionale.

7.1.2. Un outil de promotion de la langue régionale : les projets de service

À l’instar de ce qui a été pratiqué au pays de Galles, chaque service administratif devra être invité à établir un projet de service pour la promotion de la langue régionale. Cette démarche est prévue également dans la proposition de loi « Jung » (article L 4270-4). Ces projets de service sont communiqués à une autorité chargée de les évaluer. Cette autorité pourra être l’Office pour la langue régionale. Les évaluations faites de ces projets de service pour la langue régionale pourront être rendues publiques.

7.2. Une nouvelle structure d’impulsion et de coordination commune à l’ensemble des collectivités : l’établissement public de promotion de la langue régionale

La création d’un Office de la langue est l’une des mesures les plus significatives prises par les collectivités régionales (avec les conventions quadripartites et le soutien à ABCM) pour développer une politique de soutien à la langue régionale. Conçu à l’origine comme un Office du bilinguisme, son action a par la suite été réduite au soutien des dialectes, ce qui a fortement limité son impact du point de vue d’une politique globale. L’Office a eu une histoire difficile depuis l’origine, car sa création s’est faite sans concertation suffisante et il a connu depuis certains dysfonctionnements. Par ailleurs, il a joué pour les collectivités territoriales bien plus le rôle d’une fonction d’alibi plus que d’instrument. En outre,  les relations avec les associations de promotion des langues régionales ont été marquées de façon de plus en plus nette par une absence de concertation et par un esprit de concurrence plutôt que de complémentarité. Les actions de l’Office, par exemple, sont décidées par sa seule direction et ne font pas l’objet d’une évaluation coût/bénéfice. Des problèmes de personnes se sont rajoutés à ces difficultés. Aujourd’hui, il faut trouver les moyens de repartir d’un bon pied.

La réorganisation doit inclure les éléments suivants :

  • veiller à une participation de l’ensemble des interlocuteurs de la politique globale pour la langue régionale : la région, les deux départements (voire les trois si l’on peut associer la Moselle), les collectivités locales, l’Université, l’État (notamment à travers l’Éducation nationale et la DRAC), les associations et des experts ; faire de cette instance un niveau de concertation transparent et pluraliste ;
  • couvrir l’ensemble des domaines d’action de la politique globale de promotion de la langue régionale et toutes les composantes de cette langue, en y incluant la langue standard et la culture ;
  • intervenir en planification, en coordination, en complément et en actions spécialisées, sans se substituer aux collectivités membres et aux acteurs de terrain ;

La structure sera constituée sous la forme d’un établissement public afin de renforcer son « officialité » (EPCC ou GIP), mais avec une participation des partenaires associatifs. L’organisation de la nouvelle structure devrait être clairement lisible ;

Les missions ainsi que les ressources matérielles et humaines de l’OLCA seront à réintégrer dans ce nouvel ensemble.

Les missions de ce nouvel établissement public permettront de dessiner quatre grands domaines :

  • la préparation, la discussion, l’adoption et la mise en œuvre d’un plan pluriannuel global de promotion de la langue régionale

À cette fin, l’établissement public disposera d’un pôle « études, expertise et ressources documentaires » travaillant en coordination avec les autres instances « ressource » (associations, université, experts, etc.).

  • la transmission, l’apprentissage et l’étude de la langue régionale dans ses différents aspects

Ce pôle réintègrera la convention quadripartite et ses organes de mise en œuvre, en veillant à une meilleure intégration des secteurs publics, associatifs et privés, mais s’occuperait aussi de coordination des actions pour la formation et le recrutement des enseignants germanophones, ainsi que des outils pédagogiques et d’évaluation.

  • l’animation des territoires en matière de promotion de la langue régionale,

S’il appartient à chaque territoire de développer son plan local de promotion de la langue régionale, ce pôle fournira aux territoires des animateurs spécialisés, des modèles de programme et d’actions et veillera à l’information et à la synergie entre les territoires.

  • culture et identité

Une action efficace pour la langue régionale implique que celle-ci soit portée par une culture vivante et un sentiment de fierté régionale. Il s’agit donc, en liaison avec la promotion de la langue, de construire la culture régionale de demain susceptible de renforcer l’inclusion de l’ensemble des habitants de la région à la personnalité régionale.

Chacun de ces pôles devra disposer d’une autonomie organisationnelle suffisante tout en participant au plan global.

L’établissement sera dirigé par un conseil de direction où l’ensemble des parties prenantes sera représenté. À côté de ce conseil d’administration sera créé un conseil consultatif chargé de présenter des avis et de mener des débats. Ce Conseil culturel d’Alsace sera, pour l’établissement public de promotion de la langue régionale et pour la collectivité régionale, l’équivalent en matière culturelle et linguistique du CESER.

Pour la fédération : Pierre Klein, président

Fédération Alsace bilingue-Verband zweisprachiges Elsass 11 rue Mittlerweg 68025 Colmar Cedex Tél. 03 89 20 46 87 Fax 03 89 20 43 79

[1] S’agissant des différentes formulations de cette définition, on peut se référer au récent ouvrage « Pour une nouvelle politique linguistique et culturelle, direction Pierre Klein, Éditions lulu.com, décembre 2013 ». On y trouve notamment un grand nombre de prises de position de la part de très éminents Alsaciens et de non moins éminentes organisations.

[2] ou dialecto-germanophones.

[3] Juridiquement, le recrutement commence après la licence avec l’inscription au master.

Vous souhaitez imprimer ce texte, préférez plutôt la version livre (à paraître le 20 octobre 2014) avec ce texte.

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